21 juillet 2025 – m.à.j le 25 juillet
Annoncée par voie de presse le 11 juillet 2024 par la ministre de la Culture à la faveur d’une conférence portant sur le Printemps de la ruralité, et suscitant l’étonnement de son administration1, la nouvelle Direction générale de la démocratie culturelle, de l’enseignement et de la recherche (DGDCER) verra le jour le 1er septembre prochain.
Lors de la mise en place de la précédente nouvelle organisation de l’administration centrale, en janvier 2021, le choix avait été fait de conserver la répartition historique de la fonction enseignement supérieur Culture entre plusieurs directions et services du ministère, dans le but de préserver le lien entre l’enseignement supérieur d’une part, et les pratiques professionnelles d’autre part.
Bien qu’esquissant une première mutualisation partielle, mais sans pour autant aller jusqu’à une fusion complète, la réorganisation de 2021 avait donc maintenu deux sous-directions de l’enseignement supérieur auprès des deux directions métiers que sont la direction générale du patrimoine et de l’architecture (DGPA) et la direction générale de la création artistique (DGCA).
Mais considérant que ce fonctionnement avait conduit à un « éclatement » du pilotage culturel tout en entraînant des coûts de coordination jugés « inefficients voire contre-productifs », la ministre a fixé l’objectif d’un pilotage unifié et incarné pour l’enseignement supérieur, au travers de cette nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, de l’enseignement et de la recherche (DGDCER). Elle réunira la sous-direction de l’enseignement supérieur et de la recherche en architecture (SDESRA) de la DGPA et la sous-direction des enseignements spécialisé et supérieur et de la recherche (SDESSR) de la DGCA, ainsi que les missions portées par la sous-direction formation et recherche de la DG2TDC — notre ministère adore les acronymes !
Cette remise en cause du point d’équilibre entre les prérogatives de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) et celles des directions métiers concernées inquiète les syndicats qui déplorent qu’aucun bilan formel ou étude d’impact n’ait été conduit par l’administration sur l’organisation mise en place en 2021 avant d’envisager une nouvelle organisation.
Rappelons que la DGPA exerce la tutelle pédagogique et budgétaire des 21 écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA), de l’école de Chaillot, de l’école du Louvre (EDL), de l’institut national du patrimoine (INP). De son côté, la DGCA exerce la tutelle pédagogique et budgétaire des 10 écoles nationales supérieures d’art (ENSART), des deux conservatoires nationaux supérieurs de musique et danse de Paris et Lyon (CNSMDP et CNSMDL), du conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), ainsi que la tutelle pédagogique des 75 établissements d’enseignement supérieur territoriaux en matière d’arts visuels et de spectacle vivant.
Outre le démantèlement du Service de l’architecture (SDA) de la DGPA qui se trouvera donc réduit à une seule sous-direction, l’affaiblissement de la DGCA avec le déplacement de l’un de ses plus importants services, c’est bien cette fragilisation du lien qui existe entre enseignement supérieur et directions « métiers » qui inquiète les personnels du ministère.
Les 21 ENSA forment des architectes dans un dialogue constant avec les professionnels : jurys de diplôme incluant des praticiens, stages obligatoires en agence, enseignants praticiens… Cette proximité avec l’Ordre des architectes et les réalités du terrain nécessite une expertise spécifique que seule la DGPA, en charge de la politique architecturale, peut apporter. Les conservatoires nationaux supérieurs développent quant à eux une pédagogie fondée sur l’excellence et l’insertion dans les institutions musicales nationales et internationales. Leurs liens avec les orchestres, opéras et compagnies chorégraphiques relèvent d’un écosystème artistique que la DGCA connaît intimement. Les écoles d’art territoriales, avec leurs 75 établissements, cultivent des approches expérimentales, transdisciplinaires, souvent ancrées dans les enjeux contemporains et les spécificités locales. Leur diversité même – des Beaux-Arts traditionnels aux nouveaux médias – exige une connaissance fine des évolutions artistiques actuelles.
Comment une direction unique pourrait-elle maîtriser ces écosystèmes si distincts ? Le risque n’est-il pas de voir émerger une approche administrative standardisée, déconnectée des réalités professionnelles de chaque secteur ? La création d’une direction unifiée suffira-t-elle à répondre aux défis multiples auxquels se trouve confronté l’enseignement supérieur : précarité des parcours, inégalités territoriales, adaptation aux transitions… ?
Quant à l’enseignement spécialisé dont beaucoup s’interrogeaient déjà quant à son positionnement unique au sein de la SDESSR (DGCA) en 2021 — le ministère étant censé définir les qualifications exigées du personnel enseignant des conservatoires classés2—, autant dire que sa dissolution risque d’être complète au sein de cette DGDCER au format XXL.
L’enseignement artistique ne se réduisant pas aux seuls établissements classés, et tout comme cela avait été pointé par beaucoup en 2021, n’aurait-il pas mieux valu que les conservatoires, dont la mission d’enseignement artistique spécialisé « constitue une composante fondamentale de l’éducation artistique et culturelle et un endroit essentiel pour la vitalité des pratiques artistiques et culturelles de nos concitoyens »3 soient intégrés à la DG2TDC dans leur ensemble ? Mais il est vrai que le ministère ne manque jamais une occasion pour rappeler que les établissements d’enseignement artistique relèvent de l’initiative et de la responsabilité des collectivités territoriales et non pas de l’État…
📢 Publication, le 24 juillet, du Rapport sur le paysage des établissements supérieurs dans le spectacle vivant qui préconise, notamment de :
✅ Clarifier le pilotage, en particulier au niveau déconcentré, et consolider la gouvernance nationale ;
✅ Renforcer la coopération entre établissements pour mutualiser les ressources ;
✅ Structurer le réseau pour mieux répondre aux besoins en emploi et aux évolutions du secteur culturel.
