23/08/2025
La chose avait été pourtant très largement signalée à la FNDCG 1 tant en 2018 qu’en 2022 ; Las ! les arrêtés 2 pris durant l’été par les présidents des CDG organisateurs des deux seules disciplines ouvertes (en principe !) dans la spécialité musique du premier grade du cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique témoignent, une nouvelle fois, d’une erreur administrative faite lors de la phase de recensement des postes par les collectivités. L’enseignement artistique paie au prix fort cette légèreté des procédures : 300 postes en moins pour 2026.
D’où vient le problème ?
Un avant et un après 2012
Pour bien comprendre la situation, il faut revenir sur l’architecture particulière du cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique qui, dans sa forme actuelle datant de 2012, comprend 3 grades distincts :
- Assistants d’enseignement artistique (AEA),
- Assistant d’enseignement artistique principal de 2e classe (AEAP de 2e classe),
- Assistant d’enseignement artistique principal de 1re classe (AEAP de 1re classe).
Cette organisation résulte de la mise en place, à compter de 2008, du nouvel espace statutaire (NES), une réforme alors présentée comme devant permettre d’harmoniser le cadre juridique de l’ensemble de la catégorie B afin d’unifier et revaloriser les carrières et les rémunérations, tout en simplifiant l’architecture de cette catégorie afin de « mieux prendre en compte les acquis de l’expérience professionnelle et fluidifier les carrières ».
Ainsi, un socle commun détermine pour l’ensemble de la catégorie B :
- Les principales dispositions partagées par les différents cadres d’emplois concernés (organisation des cadres d’emplois, conditions d’accès, d’avancement d’échelon et de grades, etc.) ;
- et fixe la grille indiciaire applicable à tous les agents relevant de ce nouvel espace statutaire.
Au regard de ce texte, les cadres d’emplois des fonctionnaires de catégorie B comprennent donc obligatoirement 3 grades.
L’accès par concours (interne, externe et 3e concours) et par promotion interne s’effectue selon un double niveau de recrutement :
- Niveau Bac pour le recrutement dans le grade de base,
- Niveau Bac + 2 pour l’accès au grade intermédiaire.
Le deuxième grade est tout à la fois un grade de recrutement et un grade d’avancement, accessible par la voie de l’examen professionnel et par la voie de la liste d’aptitude, aux personnels titulaires du premier grade. Ce premier grade est accessible par concours externe, interne et troisième concours.
Le troisième grade (grade d’avancement uniquement) est accessible par la voie de l’examen professionnel et par la voie du choix, après inscription sur un tableau d’avancement établi après avis de la commission administrative paritaire.
Avant 2012, la branche de l’enseignement artistique de la filière culturelle3 comprenait 3 cadres d’emplois : celui des assistants territoriaux d’enseignement artistique (ATEA), celui des assistants territoriaux spécialisés d’enseignement artistique (ATSEA) et celui des professeurs territoriaux d’enseignement artistique (PTEA).
Le décret portant statut particulier du cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique disposait que ses membres sont « chargés, dans leur spécialité, d’assister les enseignants des disciplines artistiques. Ils peuvent notamment être chargés de l’accompagnement instrumental des classes« 4. Ainsi, et bien que la réalité soit toute autre, ces enseignants n’étaient donc pas censés enseigner mais bien assister d’autre enseignants ! Seuls les assistants spécialisés étaient chargés, selon leur spécialité, de « tâches d’enseignement ».
Dans les années 2000, il fut envisagé de fusionner ces deux cadres d’emplois d’ATEA et d’ATSEA au profit d’un seul et unique grade, afin de permettre de sortir de cette aberration qui consistait à maintenir ce statut d’assistants qui ne peuvent enseigner.
A l’appui de cette tendance :
- La question écrite à l’Assemblée nationale de Joël GIRAUD en date du 16 juin 2003 et, surtout la réponse du ministre de la fonction publique du 13 janvier 2004 :
« (…) Il ressort toutefois des constatations qui précèdent que le maintien de ce cadre d’emplois n’est pas justifié dans la mesure où les fonctions réellement exercées par les assistants correspondent davantage à celle des assistants spécialisés, qui assurent des tâches d’enseignement. Par conséquent, une réflexion est menée, en liaison avec les services compétents du ministère de la culture et de la communication, afin d’expertiser le caractère opérationnel d’une fusion des cadres d’emplois d’assistant d’enseignement artistique et d’assistant spécialisé d’enseignement artistique ».
- Le rapport de Jean-Claude LENAY du 20 février 2008 :
Celui-ci rappelle que la DGCL souhaitait fusionner ces deux cadres d’emplois car, de fait, leurs statuts sont très proches. Il y a même eu un projet de décret qui organisait la mise en extinction de ce cadre d’emplois d’ATEA avec intégration progressive des ATEA dans celui des ATSEA…
Proposition refusée par la FS3 (formation spécialisé N°3) au motif que cela risquait d’engendrer des problèmes du fait de la suppression de l’accès au niveau IV (RNCP) et que les besoins prévisionnels en agents (ASEA) risquaient de ne pas être couverts, renforçant ainsi le recours aux contractuels…
Aucune prise de décision n’a suivi, mais le fait est qu’aucun concours n’a été organisé pour ce cadre d’emplois depuis 2003… traduisant bien cette volonté d’extinction progressive. Seuls les concours pour l’accès au cadre d’emplois des assistants spécialisés ont été organisés… jusqu’en 2011.
La réorganisation de 2012 dans le cadre du NES est alors apparue comme pouvant permettre de régler la question en regroupant les deux cadres d’emplois (ATEA et ATSEA) au sein d’un seul et même cadre d’emplois, structuré en trois grades. Sauf que lors de la rédaction du décret régissant ce tout nouveau cadre d’emplois5, la formulation de l’article concernant les assistants qui assistent et qui n’enseignent pas n’a pas été modifiée :
« Les titulaires du grade d’assistant d’enseignement artistique sont chargés, dans leur spécialité, d’assister les enseignants des disciplines artistiques. Ils peuvent notamment être chargés de l’accompagnement instrumental des classes. »
C’est alors qu’est apparue une difficulté d’ordre technico-juridique, lors de la rédaction des textes réglementaires (décret et arrêté) fixant les modalités d’organisation des concours de ce nouveau cadre d’emplois. En effet, comment organiser une épreuve de mise en situation pédagogique (comme c’est le cas pour le concours interne et le 3e concours) pour des agents qui « assistent » mais n’enseignent pas ?! On notera au passage que c’est pour cette raison qu’aucun concours d’assistants ne pourra être organisé entre 2011 et 2018. Il faudra plus de 7 longues années à la DGCA et la DGCL6 pour trouver une solution à ce problème ! L’astuce étant de prendre en compte le fait que ces agents « peuvent notamment être chargés de l’accompagnement instrumental des classes » et, ainsi, de n’organiser le concours pour le 1er grade que pour les deux disciplines de l’accompagnement instrumental en danse et musique. En effet et pris dans un sens restrictif, les accompagnateurs n’enseignent pas mais assistent le professeur dont ils accompagnent ses élèves 7…
Un manque préjudiciable de vigilance lors de la procédure de recensement !
La procédure de recensement des postes vacants dans la fonction publique territoriale repose sur un mécanisme en principe bien rodé, mais dont la fiabilité dépend très largement de la rigueur des collectivités elles-mêmes. Pilotée par les centres de gestion, cette opération vise à identifier les besoins en recrutement et à préparer l’organisation des concours. Concrètement, ce sont donc les services des ressources humaines des collectivités qui ont la charge de déclarer, avec précision, les postes ouverts ou susceptibles de l’être. Les CDG centralisent ensuite ces données, les transmettent aux instances compétentes et planifient, sur cette base, les concours correspondants. Autrement dit, le rôle des centres de gestion est essentiellement un rôle de coordination et de synthèse : la qualité du recensement dépend avant tout du sérieux et de la fiabilité du travail effectué en amont par chaque service RH local.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
Le tableau ci-dessous récapitule le nombres de postes déclarés sur le premier grade lors des 3 dernières sessions. Cette année encore, 400 postes ont été « ouverts » pour les deux disciplines de l’accompagnement instrumental ; il est évident que plus de 300 postes au moins, correspondent en réalité à d’autres disciplines. Les concours pour le 1er grades sont calibrés sur des besoins fictifs, et des centaines de postes disparaissent dans les faits, bloquant ainsi les carrières de nombreux jeunes diplômés des établissements d’enseignement supérieur.

De telles erreurs, réitérées à 3 reprises malgré de nombreuses alertes, ne sont pas acceptables. Ce n’est pas une simple erreur administrative. C’est une faute de procédure qui condamne des enseignants à la précarité.
Ce problème n’est pas une fatalité. À défaut d’une révision réglementaire pouvant permettre de réinterroger la pertinence de ce premier grade, il suffirait que les CDG sensibilisent de façon effective les collectivités lors de la procédure de recensement des postes d’enseignants. En effet, cette subtilité du 1er grade qui ne concerne que deux disciplines pour la spécialité Musique semble échapper totalement aux services RH de certaines collectivités. Trop souvent, des postes de violon, de piano ou d’autres instruments sont déclarés sur ce grade alors qu’ils devraient l’être sur le 2e , faussant le recensement et entraînant mécaniquement une perte conséquente de postes ouverts aux concours.
Cette erreur de classification, au départ purement administrative, a des conséquences très lourdes pour les candidat.e.s et pour une filière qui est déjà très précarisée !
Cet article est mis à disposition selon les termes de la licence http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/deed.fr (Attribution / Pas d’utilisation commerciale / Partage dans les mêmes conditions)
- Fédération nationale des centres de gestion
- Arrêté du 28 juillet 2025 du CIG petite couronne (Accompagnement Danse) et arrêté du 29 juillet 2025 du CIG des Alpes Maritimes (Accompagnement Musique).
- La constitution de la filière culturelle remonte à 1991.
- Article 2 du Décret n° 91-861 du 02 septembre 1991 modifié portant statut particulier du cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique (musique, danse, art dramatique, arts plastiques).
- Décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique.
- Direction générale de la création artistique et Direction générale des collectivités locales.
- Les accompagnateur.trices apprécieront cette vision pour le moins très réductrice de l’accompagnement qu’ont eu alors les inspecteurs de la DGCA !
2 Comments
Consternant. En même temps je ne suis pas surprise de l’amateurisme des DRH locales et l’absence de volonté de comprendre nos métiers en général …
Betremieux
Les cases mal cochées, les postes vacants non déclarés, cela ne pourrait-il pas être dans le fond un peu voulu par les collectivités, les collectivités ayant de moins en moins de moyens? Moins de postes vacants déclarés, c’est moins de candidats sur liste d’aptitude, et c’est plus de chance de devoir remédier à embaucher des contractuels..
Goepp