21/01/2018
Un arrêté en date du 5 janvier dernier relatif aux conditions d’agrément des établissements assurant une préparation à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique est venu compléter le dispositif législatif issu de la loi de juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP)1. Ce texte fait suite au décret du 2 mai 20172 et est censé préciser les contenus pédagogiques de ces enseignements préparatoires ainsi que les modalités d’élaboration du dossier de demande d’agrément, un nouveau label spécifique qui sera octroyé par l’État pour une durée de cinq ans aux établissements qui en feront la demande. L’arrêté concerne l’ensemble des spécialités relevant du domaine du spectacle vivant et des arts plastiques3.
Comme cela a déjà été évoqué dans divers billets de ce blog, ce n’est que quelques jours avant le lancement des débats parlementaires sur le projet de loi LCAP, en juillet 2015, que les conservatoires ont fait leur apparition dans ce texte à la faveur de deux amendements déposés in extremis par le gouvernement, lequel avait annoncé quelques semaines auparavant le retour de l’État dans leur financement. Ce manque de préparation probable et les navettes entre l’assemblée nationale et le sénat vont conduire à la rédaction et l’adoption d’un article particulièrement mal ficelé et dont on peut mesurer aujourd’hui toutes les difficultés de mise en œuvre.
En effet, cet article signait l’abandon du cycle d’enseignement professionnel initial (CEPI) qui était diplômant au profit d’un enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant qui lui, est non diplômant, tout en introduisant un nouveau diplôme national totalement décorrélé de ce qui précède et sans aucune indication permettant de le positionner dans les cursus existants.
L’idée était de sortir de la situation de blocage de la loi d’août 20044. Force est de constater que c’est l’inverse qui est en train de se produire, comme en témoignent le décret et ce nouvel arrêté qui ne peuvent, en l’état, « rectifier le tir » d’un texte de loi qui contient des incohérences fortes sur les points évoqués ci-dessus. Plus fondamentalement, ces deux textes réglementaires ne buteraient-ils pas plutôt sur l’absence de visée stratégique de la part de la Direction générale de la création artistique (DGCA) en matière d’accompagnement du réseau5 des conservatoires, comme a pu le laisser croire le désengagement financier complet de l’État en 2015 ?
Cet arrêté vise à préciser les conditions nécessaires à l’obtention de l’agrément pour les établissements qui souhaitent mettre en place ces enseignements préparatoires. Il détaille également les contenus pédagogiques devant être proposés dans ce cadre.
On l’imagine bien, ces agréments vont concerner principalement les CRR et les CRD même si d’autres structures – qu’elles soient publiques ou privées – sont également éligibles. C’est pour préserver cette stabilité (toute relative) que les établissements qui souhaitent obtenir ce label devront justifier de la dispense préalable de ces enseignements durant une année au moins.
Par ailleurs, et pour faire face à l’inquiétude relayée par quelques-uns d’entre nous au moment de la préparation de la loi quant au cadre d’emplois des professeurs d’enseignement artistique (PEA), il est exigé la présence d’agents titulaires de ce grade ou pouvant justifier d’une qualification similaire (CA ou équivalent) pour enseigner dans ces classes préparatoires6.
L’article 3 de l’arrêté complète la liste des 12 conditions énoncées dans le décret et l’on pourra remarquer un agencement pour le moins assez hétéroclite de l’ensemble des critères dont on se demande bien comment certains pourront être évalués.
Qu’est-ce en effet qu’une « approche diversifiée du spectacle vivant reliée à la pratique de la spécialité sur laquelle porte l’agrément » ?
Comment mesure-t-on « la possibilité pour l’élève de développer à travers ces enseignements, sa capacité d’autonomie artistique et de préciser son projet professionnel » ?
De même, l’injonction de partenariats avec des salles de spectacle permettant « une réservation prioritaire et des tarifs préférentiels » pour les élèves concernés peut poser question au regard, notamment, de l’égalité d’accès des usagers…
Les autres articles portant sur les contenus d’enseignement font très directement référence aux trois arrêtés organisant les CEPI7. Mais la comparaison avec ces textes qui étaient très complets s’arrête là ! Il faudra se satisfaire d’une rédaction lacunaire et disparate entre les trois spécialités (danse, musique et théâtre) tout comme de l’absence d’harmonisation quant aux exigences de durées et d’horaires dans les maquettes proposées pour chacune de ces spécialités.
La problématique de l’enseignement artistique préprofessionnel est un sujet d’importance pour un nombre signifiant d’élèves désirant poursuivre dans l’enseignement supérieur. Le fait de ne pouvoir trouver solution à cette question récurrente depuis 2004 interroge.
En 2011, une sénatrice très impliquée sur ces questions – elle est toujours présidente de la commission Culture du sénat – faisait le constat d’une réforme qui était « au milieu du gué » et avançait alors des préconisations (non retenues) pour tenter de sortir de l’impasse.
Nous voilà en 2018 ; le sentiment d’être encore dans cette impasse demeure, hélas, très présent !
Cet article est mis à disposition selon les termes de la licence http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/deed.fr (Attribution / Pas d’utilisation commerciale / Partage dans les mêmes conditions)
- LOI no 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
- Voir billet du 8 mai 2016 : https://indovea.org/2016/05/08/215/
- Le chapitre 1 traite du domaine des Arts plastiques et le chapitre 2 du domaine du spectacle vivant comprenant les spécialités musique, danse, théâtre et arts de la marionnette, cirque.
- Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Voir également : https://indovea.org/2015/12/03/177/
- Bien que non organisé en tant que tel, on peut parler d’un réseau d’établissements pour les CRR/CRD/CRC-CRI.
- L’inquiétude demeure néanmoins, car la révision des critères de classement de 2006 pourrait conduire à un assouplissement en la matière…
- – Arrêté du 23 février 2007 relatif à l’organisation du cycle d’enseignement professionnel initial et du diplôme national d’orientation professionnelle de musique,
– Arrêté du 23 février 2007 relatif à l’organisation du cycle d’enseignement professionnel initial et du diplôme national d’orientation professionnelle de danse,
– Arrêté du 23 février 2007 relatif à l’organisation du cycle d’enseignement professionnel initial et du diplôme national d’orientation professionnelle d’art dramatique.