Formation continue des enseignants : création d’une allocation de formation

21/09/2019

Comme le rappelle le Code de l’éducation1, la formation continue a toujours été obligatoire pour les enseignants. Elle doit s’accomplir en priorité en dehors des obligations de service d’enseignement et peut, à ce titre, donner lieu à une indemnisation. Si le principe de cette indemnisation n’est pas nouveau — on le trouve dans les textes réglementaires dès 2005 —, ce n’est qu’à la faveur du vote de la loi du 26 juillet 2019 « Pour une école de la confiance » qu’il prendra la forme d’une allocation de formation pouvant être versée aux personnels enseignants relevant de l’éducation nationale, dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacance des classes. Un décret et un arrêté en date du 6 septembre viennent en préciser les modalités d’application et une circulaire d’application devrait suivre sous peu2.

L’article premier du décret du 6 septembre stipule qu’une allocation de formation est attribuée aux personnels enseignants de l’éducation nationale qui bénéficient lors des périodes de vacance des classes, à l’initiative de l’autorité compétente ou après son accord, d’actions de formation professionnelle […] approuvées par le recteur. Dès lors qu’elles sont réalisées à l’initiative de l’autorité compétente, ces actions de formation n’excèdent pas, pour une année scolaire donnée, cinq jours lors des périodes de vacance de classes. L’autorité compétente informe les personnels, dès le début de l’année scolaire, des périodes de vacance de classes pendant lesquelles pourraient se dérouler de telles actions de formation. La liste de ces actions de formation se déroulant pendant des périodes de vacance de classe est présentée annuellement pour avis en comité technique académique.

Les formations pouvant donner lieu au versement de cette indemnité sont celles qui sont suivies pendant les périodes de vacance des classes, ce qui interdit son versement pour d’éventuelles actions de formation les mercredis et samedis, durant les périodes de travail.

L’administration ne peut imposer plus de 5 jours par année scolaire. Néanmoins, lorsque la demande de formation est à l’initiative de l’agent, une formation plus longue peut être octroyée. Celle-ci entre alors dans le cadre du compte personnel de formation. L’administration doit également informer les personnels des périodes de vacances qui pourraient être concernées dès le début de l’année scolaire. La liste des actions de formation est présentée annuellement pour avis en comité technique académique (CTA).

Les actions de formation professionnelle concernées touchent l’ensemble de la formation continue ou personnelle à travers 4 domaines :

  • La formation continue, tendant à maintenir ou parfaire la compétence des fonctionnaires en vue d’assurer : a) Leur adaptation immédiate au poste de travail ; b) Leur adaptation à l’évolution prévisible des métiers ; c) Le développement de leurs qualifications ou l’acquisition de nouvelles qualifications ;
  • La formation de préparation aux examens, concours administratifs et autres procédures de promotion interne ;
  • La réalisation de bilans de compétences permettant aux agents d’analyser leurs compétences, aptitudes et motivations en vue de définir un projet professionnel ;
  • La validation des acquis de leur expérience en vue de l’acquisition d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification inscrit au répertoire national prévu par l’article L. 335-6 du code de l’éducation.

L’arrêté du 6 septembre en fixe le montant : taux horaire de 20 euros brut, montant du plafond de 60 euros par demi-journée et de 120 euros brut par journée.

Cette indemnité n’est pas sans rappeler l’allocation de formation propre au secteur privé qui avait été créée en 2003 par les partenaires sociaux lors de la mise en place du Droit individuel à la formation (DIF). L’idée était déjà d’encourager les salariés à se former hors du temps de travail sur des formations choisies par eux pour développer leurs compétences, en leur attribuant une allocation non soumise à contributions sociales mais qui restait imposable. Face à la complexité du système et à son très faible impact, cette allocation a été supprimée en 20183.

La nouvelle allocation pour les enseignants connaîtra-t-elle le même sort ? S’agissant de formations réalisées à l’initiative de l’autorité compétente et sur un format qui n’excède pas cinq jours répartis sur les vacances de classes par année scolaire, peut-être en sera-t-il autrement. Difficile cependant de croire que le ministère pourra imposer une semaine de formation à l’ensemble des enseignants, car la mesure couterait au bas mot près de 500 millions d’euros.

Les organisations syndicales font valoir que les enseignants effectuent (et même très largement) un temps plein en réalisant les heures de face à face pédagogique et les missions liées, ces dernières se déroulant pour partie pendant le temps de vacance de classes4 . De fait, si la formation continue correspond bien à du travail effectif, elle n’a donc pas vocation à se dérouler majoritairement hors du temps d’enseignement. Force est d’ailleurs de constater que le fait même de créer cette allocation pour formation sur temps de vacances des élèves illustre bien qu’il s’agit d’un travail qui s’ajoute aux maxima de service !  Dans le même temps, le ministère de l’Éducation nationale n’a pas les moyens de remplacer les enseignants si la formation a lieu sur le temps scolaire.

Pour autant, la formation continue des enseignants reste un sujet qui n’est pas suffisamment traité aujourd’hui. Diverses enquêtes5 montrent que les enseignants français sont à la fois parmi les plus demandeurs de formation et parmi ceux qui ont le moins de formation continue. Elles montrent aussi que ce qui marche en formation, ce sont des actions qui répondent aux besoins ressentis et pouvant aussi être réalisées en présentiel par des pairs.

Il n’y a pas que le stage de formation avec un formateur expert extérieur pour répondre aux besoins ET aux demandes des enseignants. Encore faut-il pouvoir trouver les modalités de mise en œuvre dans un pays qui reste très centralisé et où la volonté de garder le pouvoir de l’emprise disciplinaire et la pression hiérarchique sur le domaine de la formation demeurent une réalité, comme en témoigne le décret lui-même, qui ne manque pas de souligner que les formations en question sont à l’initiative de l’autorité compétente ou après son accord.

Les cas ne sont pas rares d’enseignants qui font le choix de se former hors temps scolaire et dans des thématiques plus larges que celles proposées par leurs rectorats. Ils en assument le plus souvent la charge financière sans aucune reconnaissance de l’investissement professionnel par leur employeur. Mais existent également des réactions corporatistes d’opposition de la part d’organisations syndicales qui ne paraissent d’ailleurs pas si sûr de leur position, puisque ayant tenté, sans succès, de déposer lors des débats parlementaires divers amendements pour que la formation sur temps de vacances de classe ne soit possible que pour des enseignants volontaires…

NB : La transposition de ces dispositions à la filière de l’enseignement artistique en vertu du principe de parité mérite une attention toute particulière et ne saurait, à ce stade, être automatique. Pour autant, cette problématique de la formation pendant ou en dehors du temps de service se pose avec la même acuité. Elle fera l’objet d’un prochain billet.  


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  1. Article L. 912-1-2.
  2. Décret no 2019-935 du 6 septembre 2019 portant création d’une allocation de formation aux personnels enseignants relevant de l’éducation nationale dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacance des classes ; Arrêté du 6 septembre 2019 fixant le montant de l’allocation de formation aux personnels enseignants relevant de l’éducation nationale dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacance des classes.
  3. Par la loi du 5 septembre 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».
  4. Une enquête de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre que 20 jours de vacances sont travaillés en moyenne par les enseignants dans le premier degré et 18 dans le second.
  5. Voir par exemple TALIS 2018 (Teaching And Learning International Survey), une enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage internationales.

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