2022, dernière année pour le DEC ?

06/03/2022
Temps de lecture : 5′

De façon quelque peu surprenante, c’est en prenant connaissance d’un arrêté publié le 20 décembre dernier1, que l’on découvre de façon incidente au travers d’une annexe que le diplôme d’étude chorégraphique (DEC) ne serait plus délivré par les établissements territoriaux d’enseignement artistique (CRR et CRD) à compter de 2023. Il serait remplacé par le Diplôme national d’études de danse mention « interprétation », lequel pourrait même être délivré dès l’année …2022 !

EAT/DEC, une équivalence possible

Rendu obligatoire par la loi du 10 juillet 1989 relative à l’enseignement de la danse — une loi abrogée en 2000 suite à sa codification dans le Code de l’éducation2 —, le diplôme d’État (DE) fait l’objet de textes réglementaires définissant les conditions de son obtention et les modalités d’habilitation des centres de formation qui proposent un cursus dédié à la danse, dans les trois disciplines (classique, contemporaine et jazz). Ces textes ont subit de nombreuses modifications depuis 2008, dont celles opérées à la toute fin de l’année 2021.

L’inscription à la formation au diplôme d’État nécessite l’obtention préalable de l’examen d’aptitude technique (EAT). Cet examen permet de vérifier que le candidat possède les capacités techniques et artistiques requises pour aborder la préparation au diplôme d’État de professeur de danse dans la discipline pratiquée. Un certain nombre de centres d’examens, selon le lieu d’habitation des candidats, sont mandatés par le ministère de la Culture pour organiser, chaque année, les épreuves de cet examen3.

Cela étant, la validation des acquis antérieurs et des acquis professionnels peut être prononcée sous forme d’une dispense de l’épreuve d’aptitude technique (EAT), dans les conditions fixées par l’arrêté du 23 juillet 2019. Elles figurent dans l’annexe III de ce texte et il est de tradition que l’examen qui sanctionne la fin des études en cycle spécialisé dans deux types de conservatoires classés par le ministère (ENM/CNR, puis CRD/CRR) est reconnu comme équivalent à l’EAT, afin de permettre la poursuite des études chorégraphiques dans l’enseignement supérieur.

C’est précisément dans cette annexe III qui vient d’être publiée au Bulletin officiel n° 322 4 qu’apparait, pour la première fois, ce Diplôme national d’études de danse mention « interprétation ».

Si ce terme de diplôme national n’est pas surprenant puisque figurant expressément dans la Loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) promulguée en juillet 20165, son positionnement en lieu et place du DEC vient donc mettre un terme aux atermoiements de la Direction générale de la création artistique (DGCA), qui semblait bien embarrassée avec l’apparition de ce nouveau diplôme « sorti du chapeau » en 2016, lors des débats parlementaires, une fois posée la possibilité pour certains conservatoires de proposer un enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant.

Est-ce-à dire que la question évoquée dans ce précédent billet de l’articulation entre ce diplôme national et les « classes prépas » a trouvé solution ? Rien n’est moins sûr…

Exit DEM, DET et DNOP

Fort de ce qui précède, nul doute que devraient donc apparaître prochainement un Diplôme national d’études de musique mention « interprétation » et un Diplôme national d’études d’art dramatique mention « interprétation » en lieu et place du diplôme d’études musicales (DEM) et du diplôme d’études théâtrales (DET). À ce stade, on ne parle même plus du diplôme national d’orientation professionnel (DNOP) délivré à l’issue du cycle d’orientation professionnelle (CEPI) qui a fait son apparition en 2004 avec la loi relative aux libertés et responsabilités locales, pour les quelques établissements qui ont pu le mettre en place en 20046 !

Qui de l’arrêté de classement de 2006 ?

Un certain nombre de modifications ont été apportées en 20217 à l’arrêté du 15 décembre 2006 fixant les critères de classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique. Passées relativement inaperçues du fait probablement de la crise sanitaire, ces modifications visent à mettre en cohérence ce texte réglementaire avec les évolutions apportées par la loi LCAP, notamment celles portant sur le diplôme national et feu le Cepi.

Ainsi peut-on lire que le cycle d’enseignement professionnel initial devient l’enseignement menant au diplôme national. Mais on s’étonne du fait que cette substitution ne soit que partielle puisque il est encore fait mention du Cepi à quatre reprises !

Un alinéa a par ailleurs été ajouté à la toute fin de l’article 6, précisant que le diplôme national prévu par l’article L. 216-2 du code de l’éducation atteste le niveau artistique des élèves dans les établissements publics de la musique, de la danse et de l’art dramatique qui peuvent le délivrer.

Enfin et non des moindres, cette modification de l’article 5 qui voit tout simplement disparaitre l’obligation, pour les conservatoires à rayonnement départemental, d’assurer ou garantir le cycle d’enseignement professionnel initial, lorsque la spécialité musique ou la spécialité danse est retenue ! Serait-ce là la traduction déjà anticipée dans ce texte règlementaire du résultat de l’étude d’impact qui a été conduite entre septembre 2019 et février 2020 —  juste avant le début de la pandémie —  avec des collectivités territoriales volontaires (Normandie, Aveyron, Jura, Landes, Saint-Omer, Toulon, Strasbourg et la Réunion) ?

A en croire la première des recommandations faites par les deux sénateurs8 qui ont examiné pour le compte de la commission des finances du Sénat les crédits de la mission Culture, « la sortie de la crise sanitaire doit être accompagnée d’une relance de la réforme des conservatoires, afin de clarifier la cartographie de l’enseignement du spectacle vivant et y définir la place des opérateurs du ministère de la culture ».

Selon les deux parlementaire, le rôle des conservatoires territoriaux qui totalisent 380 structures dédiées à l’enseignement de la musique, de la danse et du théâtre est appelé à devoir évoluer, tout comme le contrôle pédagogique du ministère de la culture, notamment au regard des procédures de classement de ces établissements.

Ainsi, l’abandon du contrôle a priori est envisagé, au profit d’une procédure de suivi. Celle-ci s’appuierait sur un dialogue régulier avec les collectivités qui devrait permettre de vérifier que le cahier des charges des établissements est respecté et que la qualité des enseignements est garantie. Au classement mis en place pour une durée de sept ans devrait succéder une certification qui pourrait être pourrait être attribuée à un ensemble d’établissements afin de reconnaître et d’encourager les dynamiques de mise en réseau. Cette certification serait complétée par un financement de l’État conditionné au respect de deux exigences :
– Le respect de l’ancrage territorial et la valorisation du travail en réseau réalisé par les établissements avec les acteurs de l’enseignement et de la musique sur le territoire ;
– l’innovation pédagogique et la diversité des esthétiques d’autre part.

Les conservatoires pourraient, enfin, se voir habilités à délivrer un diplôme national d’études musicales, chorégraphiques ou théâtrales. « Cette faculté supplémentaire irait de pair avec une révision de la philosophie des apprentissages et de la pédagogie, désormais fondée sur un suivi personnalisé et une évaluation conjointe (enseignants, auto-évaluation de l’élève). Il s’agirait ainsi de se démarquer du modèle scolaire de progression dans les acquisitions. »

Il semblerait qu’une rencontre entre les organisations professionnelles et la Direction générale de la création artistique soit programmée dans les jours qui viennent. Il est également question de la parution « imminente » d’un nouveau schéma d’orientation pédagogique…

Attendons !

 


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  1. Arrêté du 20 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 23 juillet 2019 relatif aux différentes voies d’accès à la profession de professeur de danse en application de l’article L. 362-1 du code de l’éducation.
  2. Voir les articles L362-1 à L362-5.
  3. École Supérieure Musique et Danse Hauts de France (ESMD), Institut Supérieur des Arts de Toulouse (ISDAT) et Pôle d’enseignement supérieur de musique et de danse (PESMD).
  4. BO du mois de janvier 2022, p. 136.
  5. « Les établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique dispensent un enseignement initial, sanctionné par des certificats d’études, qui assure l’éveil, l’initiation, puis l’acquisition des savoirs fondamentaux nécessaires à une pratique artistique autonome, à vocation professionnelle ou amateur. Ils participent également à l’éducation artistique des enfants d’âge scolaire. Ils peuvent proposer un enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. Ils peuvent délivrer un diplôme national. Leur mission est également la formation des amateurs et le développement de leur pratique ; à ce titre, ces établissements peuvent apporter, avec leurs enseignants, leur concours aux actions conduites en matière d’éducation artistique et culturelle »
  6. Établissements des régions Poitou-Charente et Nord-Pas de Calais, avant la Loi relative à la délimitation des régions de 2015.
  7. Arrêté du 13 juillet 2021 modifiant l’arrêté du 15 décembre 2006 fixant les critères du classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique.
  8. RAPPORT D’INFORMATION fait au nom de la commission des finances sur l’enseignement supérieur du spectacle vivant, Par MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD, Sénateurs (16 février 2022).

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