Contractuel, quelque marge pour négocier sa rémunération ?

15/10/2023

L’enseignement artistique figure à la 4ème place du top 10 des métiers qui ont le plus recruté en 20221. Pour autant, l’augmentation de la part des agents contractuels recrutés sur emploi permanent se confirme au fil des ans. Elle résulte tout à la fois de l’assouplissement des conditions de recours au CDD/CDI qui a été rendu possible par la loi TFP de 2019 et des difficultés de recrutement statutaire pour certaines disciplines. Ne dépendant pas directement de grilles indiciaires fixées légalement comme pour tous les fonctionnaires, les agents contractuels ont donc la possibilité de négocier leur rémunération librement, comme dans le secteur privé. Cependant, la marge de négociation est étroite car force est de constater que le contractuel évolue dans un cadre peu protecteur et qu’il n’est que rarement en position de force…

Selon l’article L. 713-1 du CGFP2, la rémunération des agents publics contractuels est fixée par l’employeur en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l’expérience de l’agent. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service et évoluer au sein de l’administration, de la collectivité ou de l’établissement qui les emploie.

Cette rémunération doit au moins être égale au SMIC, en vertu d’un principe général du droit dégagé par le juge administratif (CE, 23 avril 1982, n° 36851, Ville de Toulouse c/ Aragnou)

Elle est en pratique souvent liquidée, au moins en partie, sur la base d’un indice.

Le traitement d’un agent contractuel occupant des fonctions comparables à celles d’un fonctionnaire est ainsi fixée en retenant un indice correspondant à l’un des échelons du grade pris en référence : s’il peut s’agir du 1er échelon pour un débutant, il peut tout aussi bien s’agir du dernier échelon si les critères fixés par la loi et rappelés par l’article 1-2 du décret n°88-145 du 15 février 1988 le justifient.
En d’autres termes, il n’y a pas d’obligation de rémunérer un agent contractuel sur le 1er échelon (CE, avis, 28 juillet 1995, n° 168605) et l’autorité territoriale dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la rémunération servie.
Enfin, un agent contractuel peut bénéficier du régime indemnitaire instauré par la collectivité puisque sa rémunération peut tenir compte de ses résultats professionnels et des résultats collectifs du service.
Tous ces éléments devraient être mobilisés au moment même du recrutement, lors de l’entretien ou immédiatement après sa notification pour poser le cadre d’une négociation, ce qui semble rarement être le cas dans l’enseignement artistique.
En effet, il est fréquent que l’indice de référence d’un enseignant nouvellement recruté corresponde au 1er échelon de la grille d’un ATEA (1er grade du cadre d’emplois) alors qu’en principe c’est le deuxième grade (ATEA Principal) qui devrait être pris en référence, puisque l’intéressé exerce bien des fonctions d’enseignement et non des fonctions d’assistance à l’enseignant.
Sur ce plan, les collectivités soutiennent souvent que le 2ème grade nécessiterait d’être détenteur du DE ou du DUMI et la tendance générale est de placer les contractuels au bas de l’échelle du grade considéré. 

En ce qui concerne la réévaluation, le cadre général est que les agents contractuels de droit public ne bénéficient pas du système de la carrière : dès lors, ils n’ont donc aucun droit à une évolution indiciaire dans des conditions qui seraient prédéterminées, et ce même si leur engagement fait l’objet de plusieurs renouvellements.

Cependant, des réévaluations de la rémunération sont envisageables, à l’occasion d’un nouveau contrat ou en cours de contrat. Ainsi, il est possible par un avenant au contrat initial d’augmenter le traitement servi si cette revalorisation reste dans des proportions raisonnables. En ce sens, la CAA de Douai dans un arrêt du 20 octobre 2011 (n° 10DA00144) a considéré que la rémunération avait pu progresser par avenant car l’augmentation tenait compte de toute une série d’éléments :

  • Qualification de l’intéressé ;
  • Nature des fonctions confiées ;
  • Accroissement progressif des responsabilités ;
  • Expérience professionnelle ;
  • Ancienneté acquise ;
  • Manière de servir.

Pour être complet, précisons que la rémunération des agents employés à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD) de l’article L. 332-8 (ceux qui peuvent atteindre 3 ans) fait l’objet d’une réévaluation au moins tous les trois ans, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels. Mais il s’agit d’une négociation au cas par cas, et dans laquelle l’agent public ne dispose que de peu de possibilité de recours. A cet égard, il semblerait que les commissions consultatives paritaires (CCP) qui ont été créées en 2019 précisément pour traiter des questions individuelles des contractuels soient assez peu actives sur cette question.

Article écrit en collaboration avec :
Sébastien COTTIGNIES
Avocat au barreau de Lyon
Spécialiste de droit public


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  1. Panorama de l’emploi territorial 2023, 12ème édition.
  2. Code général de la fonction publique.

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