Arrêté de classement [#2] ♦ 2022 – 2024

01/01/2024

L’étude d’impact n’ayant pu aboutir comme prévu en 2020, il s’en suivit une période de statu quo durant laquelle les conservatoires semblent, une nouvelle fois, avoir disparu de l’agenda ministériel. Bien que n’ayant pas retrouvé leur niveau d’avant 2013, les crédits réaffectés à la faveur du retour de l’Etat dans le financement des établissements et « destinés à renforcer les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et de la diversité » seront versés comme auparavant par les DRAC, principalement au CRR et CRD, ainsi qu’à quelques CRC ou CRI, au travers de projets spécifiques1 .
2022 sonne le réveil de la DGCA qui annonce la parution d’un nouveau SNOP et une révision de l’arrêté de classement dans un calendrier très serré.

Reprise du déroulé chronologique [#1]

Durant toute la période allant de 2018 à 2020 et au travers de la lecture des différents documents rendus publics par la DGCA, il est frappant de constater que le chantier alors mis en œuvre est défini selon un champ assez large, allant de la refondation des conservatoires « pour concevoir le conservatoire de demain » (sic)2 à une simple révision des critères de classement et ajustement du SNOP pour se mettre en conformité avec la loi LCAP.

L’ambition n’est évidemment pas la même, selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre. Certes, le ministère a beau jeu de rappeler que cette question n’est pas à sa main et que c’est aux collectivités qui sont les employeurs et les financeurs principaux d’en décider. Il n’en demeure pas moins que l’État pourrait profiter de ces deux textes que sont le SNOP et l’arrêté de classement pour afficher une ambition et donner un cap clair et lisible aux collectivités qui revendiquent un classement. C’est ce que fit naguère Marcel Landowski avec son « Plan de dix ans » qui, précisément, conduira au classement progressif des établissements (CNR, ENM, EA), et cela avec un soutien financier qui était alors déjà marginal.

Faut-il y voir l’expression d’une différence, voire d’une divergence d’approche en matière d’enseignement spécialisé et de pratiques artistiques entre le Bureau des pratiques et de l’éducation artistique et culturelle, d’une part, et le service de l’inspection et de la création, d’autre part ? La question peut être posée3.

Ce que l’on sait en revanche, c’est que dès la reprise des discussions entre l’État et les professionnels du secteur en mars 2022, Denis Declerck, Sous-directeur des enseignements spécialisé et supérieur et de la recherche (DGCA), a très clairement indiqué que le périmètre de cette « réforme » était parfaitement défini par les dispositions de l‘article L 216-2 du code de l’éducation : il revient à l’État procéder au classement des établissements et de définir un schéma national d’orientation pédagogique. Il s’agit bien d’une révision des critères de classement et d’un toilettage — ce terme est revenu à plusieurs reprises lors des premiers échanges — du SNOP, principalement pour y faire entrer le diplôme national (DN).

Exit toute velléité de réforme plus profonde telle qu’évoquée précédemment par le ministère lui-même ; l’urgence est à la reprise des procédures de classement, et cela d’autant plus que l’étape suivante consistera à déconcentrer la procédure de ces classements au niveau des DRAC. Il convient donc de mettre l’arrêté et le schéma en cohérence, afin de prendre en compte la disparition des CEPI et diplômes afférents, les DNOP4, tout comme l’introduction surprise de ce DN qui figure dans la Loi LCAP.

C’est ainsi que le 10 février 2022, Didier Brunaux, Chef du bureau des enseignements spécialisé et supérieur, annoncera l’actualisation du SNOP et textes afférents pour permettre leur application à la rentrée de septembre 2022.

Une première réunion en présence des organisations professionnelles de l’enseignement sera organisée par la DGCA le 7 mars 2022, réunion durant laquelle sera présentée la nouvelle mouture des (et non pas « du ») « Schémas nationaux d’orientation pédagogique des enseignements initiaux de la danse, de la musique et du théâtre« . Textes qui interrogeront très fortement l’ensemble des membres présents, tant sur le fond des orientations et préconisations présentées que sur le périmètre de cette réunion ; en effet, les associations d’élus locaux, de directeurs des affaires culturelles et les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique et du spectacle vivant n’ont pas été invités, alors que les évolutions envisagées par la DGCA les concernent au premier chef, notamment au regard de leur financement.

Un courrier cosigné par l’ANED5, la FFEA6, CDF7 et la FNADAC8 sera adressé à la ministre de la Culture le 2 avril 2022 pour lui demander de suspendre le calendrier et, parallèlement, d’associer à une concertation effective l’ensemble des acteurs responsables de la mise en œuvre des politiques culturelles locales en matière d’enseignement et de pratique artistiques.

Une deuxième réunion sera organisée par la DGCA le 2 mai 2022 avec, autour de la table — plus exactement, s’agissant d’une nouvelle visio, des écrans ! —, un périmètre élargi, notamment aux représentant de la FNADAC et de l’ANESCAS9. Manquent cependant toujours les élus des collectivité territoriales, non directement représentés.

Cette réunion confirmera les divergences très importantes d’analyse quant au(x) schéma(s) pédagogique(s), au positionnement non établi clairement — il ne semble toujours pas l’être à ce stade — du Diplôme national, et au caractère totalement irréaliste du calendrier qui voudrait voir ces textes entrer en application en septembre 2022. Sur la base de ce constat, la DGCA fera suite aux demandes de prendre le temps de la concertation, étant entendu que les participants se tiennent à la disposition du ministère pour faire évoluer ces textes.

Le Service de l’inspection et de la création (SICA) conduira une concertation10 durant les mois qui suivront et, au travers des nombreuses contributions des uns et autres, produira trois versions successives du Schéma national d’orientation pédagogique des enseignements initiaux de la danse, de la musique et du théâtre pour en arriver à LA version qui paraitra dans le Hors-série n°5 du Bulletin officiel du ministère de la Culture (BOMC) et qui sera appelée à figurer en annexe l’arrêté de classement.

Dans un courrier commun11 en date du 11 avril 2022, les principaux financeurs des établissements d’enseignement artistique déploreront l’absence de dialogue avec l’État et s’étonneront de la méthode employée qui « mélange collectivités, associations professionnelles et organisations syndicales, alors que les expressions de ces différents acteurs ne couvrent pas les mêmes préoccupations voire peuvent s’opposer sur certains sujets« .

Rappelant le rôle essentiel des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des enseignements artistiques et dans le soutien aux pratiques artistiques et culturelles, les élus réaffirment leur souhait de pouvoir disposer d’orientations politiques fortes permettant d’asseoir le rôle des conservatoires en tant que service public. Ils appellent de leur vœux la réunion d’une conférence des financeurs, réunissant les associations d’élus et de techniciens et l’État dans les meilleurs délais.

La réunion de cette conférence se faisant attendre, et tout en saluant les avancées du schéma d’orientation et la prise en compte de certaines de leurs remarques, les signataires feront part de leur inquiétude dans un nouveau courrier en date du 5 juillet 2023, indiquant que le texte comporte un certain nombre de problèmes juridiques qui risquent de le rendre difficile à appliquer, voire inapplicable. Ces même élus et techniciens réitèrent leur demande de réunion, avant la parution définitive du SNOP. Une réunion qui se tiendra le 7 septembre 2023 alors que le SNOP est déjà sous presse…, ce que ne manqueront pas de déplorer les participants qui soumettront néanmoins de nombreuses remarques et interrogations, portant notamment sur les aspects réglementaires de ce texte.

Deux arrêtés 12 sont venus modifier la version initiale de l’arrêté de 2006, mais sans que cela ne soit suffisant, semble-t-il, puisque le dernier avatar de ce texte en date du 19 décembre 2023 a nécessité sa réécriture complète !

L’étonnante façon de faire évoluer, pas à pas, ce texte réglementaire, somme toute assez basique, témoignerait-elle in fine de la difficile mise en cohérence des attendus du schéma d’orientation, dont il est bien difficile parfois de distinguer avec précision ce qui relève de la prescription d’une part, de ce qui tient de l’orientation d’autre part, à quoi s’ajoute le fait que pour certaines prescriptions, on nous dit qu’il y a obligation de moyens et non de résultats ! S’ajoute également le DN dont le caractère optionnel et le positionnement toujours mal défini rend en effet périlleuse la rédaction de ces critères de classement dont il a pourtant été rappelé très récemment « qu’ils sont opposables et [que] leur non-respect peut entraîner un retrait du classement accordé : le classement appelle une obligation de résultat. »

Toute la question est de savoir comment évaluer « objectivement » ces critères dont la formulation peut surprendre parfois. Ainsi peut-on lire, par exemple, que « lorsque les [CRD] ont choisi l’art dramatique comme l’une des spécialités, ils […] Travaillent à dispenser ou garantir le cycle diplômant tel que défini en annexe 1. »13. Comment évalue-t-on le fait de travailler à dispenser ?

À SUIVRE ! Arrêté de classement [#3] ♦ le jeu des 7 différences


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  1. Selon le MC, ce financement concerne la totalité des CRR et CRD et 95 CRC ou CRI.
  2. Courriel du 4 juillet 2019 de Sylviane Tarsot-Gillery.
  3. … et l’a été, très certainement, lors de la création de la nouvelle DG2TDC, au début de l’année 2021, avec la réponse que l’on connait.
  4. Diplômes nationaux d’orientation professionnelle.
  5. Association des écoles départementales
  6. Fédération française de l’enseignement artistique
  7. Conservatoires de France
  8. Fédération nationale des associations des Directeurs des affaires culturelles des Collectivités Territoriales
  9. Association nationale d’établissements d’enseignement supérieur de la création artistique arts de la scène
  10. À moins qu’il ne s’agisse plutôt d’une consultation tant la méthodologie employée par le SICA interroge parfois…
  11. AMF, Départements de France, Culture-Co, France Urbaine, FNADAC, FNCC, APVF, Culture&Départements et Intercommunalités de France.
  12. – Arrêté du 13 juillet 2021 modifiant l’arrêté du 15 décembre 2006 fixant les critères du classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique ;
    – Arrêté du 9 août 2022 modifiant l’arrêté du 15 décembre 2006 modifié fixant les critères du classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique.
  13. Art. 5. – IV. 4ème alinéa

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