Le Haut conseil à l’éducation artistique et culturelle, un comité « Théodule » ?

30/01/2025

Une proposition de loi déposée par la sénatrice Nathalie Goulet (Union centriste) demande la suppression de 27 commissions « Théodule ». Le Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) est sur la liste. L’amendement défendu par Sylvie Robert pour tenter de défendre le Haut conseil a été rejeté ; le vote en première lecture au Sénat, le 30 janvier, entérine la suppression sèche du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle.

Éternels boucs émissaires de la dépense publique, les commissions et instances consultatives ou délibératives prévues par les textes législatifs et réglementaires font l’objet d’un recensement annuel à l’occasion de la loi de finances, sous la forme d’un document annexé au projet de loi de finances (PLF). Depuis le début des années 2000, la réduction de ces structures a été érigée en priorité par les gouvernements successifs qui s’interrogent régulièrement sur leur utilité et leur efficacité. Une interrogation qu’avait déjà le général de Gaulle en 1963, déclarant dans un discours resté célèbre que « l’essentiel pour [lui], ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte, […] c’est ce qui est utile au peuple français ». De cette phrase n’est resté que Théodule.

Présentée comme relevant d’un enjeu de simplification et de lisibilité de l’action publique, cette PPL vise également des économies budgétaires donc l’impact réel sur les compte publics reste cependant très minime. En effet, comme le souligne un rapport de la fondation IFRAP1, « même en supprimant tous les comités Théodule –  on en dénombre aujourd’hui 317 – , l’économie ne serait que de 0,002% de l’ensemble des dépenses publiques. Loin d’éviter « la gabegie »… »2

Pour arrêter la liste des comités, conseils et commissions dont l’utilité ne semble pas avérée, Nathalie Goulet a retenu comme critère principal le nombre de réunions de ces instances au cours des trois dernières années.

De ce point de vue, force est de constater que le Haut conseil ne s’est pas réuni en 2022, 2023 et 2024 et qu’un rapport de l’IGAC3 datant de 2023 n’est hélas pas tendre pour cette instance, indiquant que « les tenants de son maintien seraient d’ailleurs bien en peine de citer un membre de ce comité pour une raison très simple, c’est que aucun membre n’a été renouvelé. Les ministères en charge estimant qu’ils sont parfaitement en capacité de gérer les missions de ce petit parlement de la culture dont le ministère de la culture souhaiterait la suppression et celui de l’Éducation réduire la voilure. »

Selon Sylvie Robert, sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine et membre de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, la raison serait à chercher du côté de l’instabilité des deux ministères qui ont vu se succéder plusieurs ministres durant cette période. Raison pour laquelle également, les membres de ce haut conseil n’ont pu être renouvelés.

Dans un amendement, le groupe socialiste, écologiste et républicain s’oppose à la suppression du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle. Pour ces sénateurs, le fait « qu’il n’ait pas été réuni en 2022 et 2023 traduit avant tout le désintérêt des gouvernements en exercice pour les enjeux d’éducation artistique et culturelle mais en aucune façon l’inutilité de cet organisme. » ; ajoutant que « l’accès des jeunes publics à une éducation artistique et culturelle de qualité notamment dans les territoires les plus éloignés de l’offre culturelle (territoires ruraux spécifiques, quartiers prioritaires, outre-mer) est un enjeu majeur qui nécessite une instance de dialogue et de coordination entre les ministères concernés d’une part et les collectivités territoriales d’autre part car celles-ci sont des actrices essentielles de l’éducation artistique et culturelle dans les territoires. Cette politique nécessite un pilotage efficace pour prendre en compte les contextes territoriaux et donc une instance dédiée. »

L’amendement sera rejeté et la loi votée.

Crée en 2005, le HCEAC est une instance collégiale placée sous la double tutelle du ministère de l’éducation nationale et du ministère de la culture. Composé de 30 membres il a pour mission d’assurer la promotion des arts à l’École et, plus particulièrement d’accompagner le développement de la politique de généralisation du 100% EAC. On compte à ce jour 157 territoires labellisés 100% EAC.

On lui doit, notamment, la Charte pour l’éducation artistique et culturelle (2016) qui fixe les grandes caractéristiques de l’EAC et constitue un document de référence pour l’ensemble des acteurs de l’éducation artistique et culturelle.

Voir aujourd’hui le Sénat voter la suppression du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle, rattaché au ministère de l’Éducation nationale et prévu par les articles L. 312-8 et D. 312-7 et suivants du code de l’éducation est un très mauvais signal envoyé à la nation, au moment où certaines collectivités entendent tailler à la serpe dans les secteurs tels que le sport ou la culture.


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  1. Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques.
  2. En 2022, les coûts de ces instances représentaient un budget global de 30 millions d’euros environ, mais en augmentation par rapport à 2029 (+4,22 millions d’euros).
  3. Inspection générale des affaires culturelles

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